Siguiri : L’orpaillage, un des facteurs clés de la déscolarisation

En Guinée, l’orpaillage et l’éducation ne font pas toujours bon ménage. Dans la préfecture de Siguiri, située à environ 700 Km de Conakry, entre 2017 et 2019, l’exploitation artisanale de l’or a été à la base de plus 3 600 cas d’abandons scolaires.

L’orpaillage est pratiqué par plusieurs centaines d’individus venus d’ici et d’ailleurs à la quête du minerai rare. Cette pratique, si elle a des effets positifs, elle cause d’énormes problèmes aux communautés et à la biodiversité. En ce jeudi 24 octobre 2019, le soleil est au zénith. Dans la sous-préfecture de Doko à Siguiri, plusieurs dizaines d’orpailleurs font des va-et-vient dans la mine de Falikô, située à 7 Km du centre-ville.

Sur les lieux, on y trouve des personnes de tout âge (bébés, adolescents, jeunes, vieux, vielles, etc.) A vue d’œil, l’ambiance est bon-enfant entre les exploitants. Pendant que certains creusent dans des trous de 25 à 70 mètres de profondeurs, certains se mettent à tirer des cordes pour sortir le minerai, d’autres utilisent des tricycles pour transporter vers les lieux de lavage, auprès des rivières d’à côté.

Parmi les orpailleurs, nous rencontrons Lancinet Konaté, 15 ans, élève ayant abandonné les études en 2017, alors en classe de 6ème année. Venu de Nzérékoré (région forestière),  à la quête de l’or, il dit avoir cessé les cours à cause du payement de 30 000 francs guinéens à l’association des parents d’élèves (APAE). Son père n’ayant pas les moyens de lui payer ce montant, Lancinet dit avoir honte de ses collègues, il a décidé d’abandonner l’école. L’adolescent se retrouve à la mine de Falikô pour, dit-il, se faire de l’argent. « Je conduis la moto tricycle. Par jour, je gagne 45 000 GNF. Et j’achète des habits. J’envoie un peu d’argent à mes parents aussi », a-t-il confié.

Il dit avoir regretté d’avoir abandonné l’école et impute la responsabilité à ses parents. « L’école est bonne, mais nos parents ne connaissent pas l’importance des études parce qu’ils n’ont pas étudié. Quand je gagne un peu plus d’argent, je vais retourner à Nzérékoré pour reprendre les études à partir de l’année prochaine », promet-il. Son ambition, un jour, est de devenir un menuisier.

L’exploitation artisanale n’attire pas que des étrangers. Au collège de Doko, 166 cas d’abandons ont été enregistrés, liés à l’orpaillage, selon le Directeur des Etudes du collège de Doko, Adama Kéita.

Fatoumata Binta SOW, élève en 10ème année ne se laisse par entraîner par cette activité. Son rêve est d’aller jusqu’au bout de ses études. Parce que pour elle, l’exploitation artisanale de l’or, est pour un petit temps. « Pendant ce temps, les amis qui sont restés en classe continuent d’apprendre et d’avancer. L’exploitant lui, passe tous ses jours dans la  mine à la recherche de l’or qu’il ne va pas gagner ».

A ses amies, Sow leur laisse un message : « les hommes peuvent donner aux filles qui partent dans la mine 100 à 200 000 GNF pour leur convaincre. Et quand elles tombent enceinte, il n’est pas facile de retourner en classe auprès de leurs amies. Car, elles vont avoir honte. Les hommes de la mine viennent d’un peu partout et peuvent gâcher leur vie d’un seul coup. Je les conseille de retourner à l’école. Sinon, on ne vous considère pas ».

Plus de 3 600 cas d’abandons scolaire entre 2017-2019

L’orpaillage est un facteur poussant beaucoup d’enfants à cesser les cours à Siguiri. Mais pas que. Selon le chef section pédagogique de la direction préfectorale de l’éducation de Siguiri, Mamoudou Keïta, la ruée vers l’or, l’argent facile à travers le petit commerce sont des facteurs essentiels affectant le taux de scolarisation. « Si nous prenons l’année scolaire 2017 le nombre total d’abandon dans la préfecture s’élevait à 1465, en 2018, à 1 192 et en 2019, nous étions  à 1021 cas d’abandons », a-t-il détaillé. Suite aux différentes sensibilisations menées auprès des élèves et leurs parents, la situation a un peu progressé. Sur le plan de scolarisation, en 2017, l’effectif total des élèves à Siguiri s’élevait à 68 630. En 2018, 75 401  et en 2019, 121 121 élèves. « Nous avons enregistré une amélioration », se réjouis M. Keita.

Les acteurs estiment que des mesures urgentes doivent être prises pour sauver l’éducation des effets de  l’orpaillage à Siguiri, car le danger guette l’avenir de la jeunesse de la préfecture.

Mamadou Aliou Diallo

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