Boké : Après les manifestations, à l’attente des solutions!

Quelques semaines après les manifestations violentes qui ont secouées la préfecture de Boké, les réclamations des populations demeurent encore une situation préoccupante. Les multiples promesses des autorités pour faire face aux réclamations d’eau potable, d’électricité et des emplois restent sans effet pour le moment.
La ville de Boké avec 289 mille habitants, selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat, abrite environ quatorze sociétés minières en exploration ou en exploitation de la bauxite. Les pénuries d’eau et d’électricité sont récurrentes et la jeunesse est minée par le chômage endémique.
Au-delà des problèmes de pollution de tous genres (eaux, air et sols), bref, une dégradation poussée de l’environnement, le dédommagement des populations touchées par l’exploitation, la non réhabilitation des sites exploités, le manque de gestion rationnelle des redevances minières versées aux autorités locales, le chômage, les habitants de Boké dénoncent aussi le transport de la bauxite par camion et par le centre-ville qui cause des accidents sans oublier le manque criard d’infrastructures de base. Ce sont entre autres des maux et les multiples violations des droits humains qui font que la jeunesse de Boké est en phase de perdre tout espoir. Les tensions sociales se pérennisent et les soulèvements des jeunes des différentes localités de la région se multiplient.
Retour sur des journées mouvementées
D’abord en avril 2017, les jeunes de la commune urbaine de Boké ont battu le pavé pour réclamer l’eau, l’électricité et l’emploi. Toute la ville fut paralysée pendant une semaine et les activités aux arrêts. Deux (2) morts et plusieurs blessés par balles ainsi que des dégâts matériels dont des bâtiments publics ont été vandalisés. Les engagements pris lors de cette manifestation par les autorités pour remplir les points de revendication des populations n’ont pas été respectés. C’est ce qui a conduit à la deuxième manifestation au mois de septembre dans la commune urbaine de Boké, puis Kamsar, Kolaboui et Sangaredi les mois suivants. Tous ces mouvements ont été émaillés de violences sans précédent avec des cas de morts, de blessés et de dégâts matériels considérables. Malgré des violents mouvements de revendication des populations les autorités tardent toujours à tenir promesse. Aucun des 12 points de revendication liés à l’exploitation minière n’a été totalement rempli et la jeunesse reste toujours sur sa faim.
Sur la mise en œuvre des points de revendication de la jeunesse de Boké, Bassékou Dramé, activiste de la société civile locale affirme que rien n’est perceptible sur le terrain. « Les groupes électrogènes qui ont été envoyés à Boké, Kolaboui ou Kamsar ne pourront pas continuer parce que la charge est lourde. Les quartiers périphériques de Kamsar ou de Boké n’ont toujours pas le courant et le problème d’eau se pose avec acuité. La question de l’emploi n’a pas de suite favorable», avance le jeune qui s’interroge sur quand est-ce que la situation va dégénérer, parce que selon lui les autorités sont incapables de gérer la situation.
Mamadou Chaffaie Diallo, chargé des questions de développement du conseil préfectoral de développement (CPD) quant à lui estime que les points de revendications sont en train d’être mis en œuvre. « Ça évolue un peu, parce qu’on a de l’eau et du courant dans certains quartiers de Boké, Kolaboui, Kamsar et Sangarédi. Avec le CECI nous sommes en train de former des jeunes pour la création d’autres activités créatrices de revenus, parce que les sociétés minières ne peuvent pas employer tout le monde», note-t-il. Il dénonce ensuite le fait que selon lui, plus de 80% des employés des sociétés minières qui évoluent à Boké viennent d’ailleurs. Chose contraire ajoute-t-il au code minier qui demande aux entreprises d’employer la main d’œuvre locale qualifiée ou de la former et l’employer pour promouvoir la paix et le développement dans les localités.
Le constat prouve que la majeure partie des communautés riveraines des zones minières font une confusion entre riverains et nationaux en matière d’emploi. Et pourtant l’article 108 du code minier parle de l’emploi des nationaux.
Parlant de la violence dans les réclamations des populations, Bassékou note que les entreprises payent tout ce qu’elles doivent à l’Etat, « mais, l’Etat fait peu d’efforts de redistribution envers sa population. Quand la population réclame son droit à l’Etat, il utilise la force en disant que ce sont des politiques qui sont derrière. Donc si l’Etat fuit ses responsabilités, nous allons l’amener à les assumer conformément à la loi pour le bonheur des citoyens de Boké». Pour lui, si l’Etat ne satisfait pas le besoin de sa population, les entreprises elles, peuvent faire quelque chose de par leur responsabilité sociétale.
Sur la gestion des redevances payées par les entreprises minières par les autorités locales, Bassekou Dramé laisse entendre que la commune et la préfecture de Boké gèrent très mal ces fonds destinés aux communautés. « Nos vieux ont fini de dilapider les fonds qui arrivent sans prendre en compte les préoccupations de la jeunesse et les commis de l’Etat viennent les aider à détourner les biens publics. Les autorités arrivent pauvres à Boké et repartent très riches », précise-t-il.
Chaffaie lui fonde son espoir sur la mise en place du fond de développement minier pour faire avancer les choses.
Quand la colère et la tension persistent
La situation sociale reste toujours tendue dans la zone. Des poches de tensions persistent par endroit et des petits mouvements de réclamation se font remarquer un peu partout dans la préfecture. « Pas d’accalmie. Mercredi 22 novembre, il y avait des remous à Balahoun dans Tinguilinta, vendredi 24 c’est des mouvements à Kamsar et Malapouya dans Kolaboui. Tout ceci c’est parce que les droits humains sont bafoués par les exploitants miniers, notamment les droits à la santé, à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, à une alimentation saine et un environnement saint. Et l’Etat qui devrait sauvegarder le bien-être des populations manque de volonté politique », se lamente le chargé de développement du CPD.
Il faut un plan d’action, échelonné sur un temps avec des résultats concrets pour dire à la jeunesse qu’on peut faire telle chose dans telle période. Mais pour l’instant, certains jeunes estiment qu’il n’y a pas d’interlocuteur crédible en face pour mener à bien les négociations pouvant aboutir à une sortie de crise.
Les autorités doivent prendre ce problème à bras le corps en réalisant au moins certains points de revendication. Ce, pour permettre la promotion d’un climat social apaisé, la promotion de l’investissement et le développement des différentes localités de la préfecture. Il faudrait aussi que les lois du secteur extractif soient respectées et que la décision du président de la République de faire de Boké une zone économique spéciale soit traduite en acte.
Mamadou Oury Bah

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