Action Mines braque les projecteurs de ce bulletin sur la vie d’un ex-travailleur de Rusal Friguia. Recruté à l’usine depuis 1971, Fodé Mohamed Sylla se trouve aujourd’hui dans une situation de ni employé, ni retraité, ce depuis la fin de la crise de 2012. Sous le poids de l’âge et les effets de la maladie, l’ex responsable du service personnel et administratif de Rusal Friguia se dit privé de son règlement définitif et de sa passion.
Né le 04 août 1950 à Kindia, Fodé Mohamed Sylla arrive dès sa tendre enfance à Fria en compagnie de sa famille où son père était chef de chantier aux premières heures de l’implantation de la société minière aujourd’hui Rusal Friguia. Il sera scolarisé en 1956 à l’école primaire de Tormelin, localité proche de zone minière de Fria en attendant la construction de l’école française où il étudia jusqu’en classe de troisième année qui correspond aujourd’hui au BEPC. Le natif de Kindia devait bénéficier d’une bource d’étude mais la révolution de 1958 l’en a empêché. Il va poursuivre ses études au CER appelé de nos jours lycée avant d’atteindre l’université à l’époque poly où il opta pour le département de chimie qui ne durera que deux (2) ans.
Bien qu’étant étudiant à Conakry, Fodé Mohamed Sylla fait la navette entre la cité minière et la capitale à cause de sa proximité de l’usine par l’entremise de son père. Ce qui lui donna l’opportunité de passer un concours qui visait à africaniser certains postes de responsabilité au sein de la société minière. Il fut retenu au compte du service personnel, section retraite des expatriés et nationaux. Le nouveau promu fut embauché le 15 février 1971 comme stagiaire.
Pour passer du statut de stagiaire au poste de chef service adjoint du personnel, l’usine lui fit bénéficier une bourse d’étude de quatre ans pour la France à Nancy au conservatoire national des arts et métiers pour les études de gestion administrative et personnel.
De sa prise de fonction officielle à l’usine Friguia jusqu’à la crise de 2012, l’ancien employé témoigne que c’est le temps de Péchiney qui l’a le plus marqué « A l’époque les gens étaient traités aux fruits de leurs efforts. En suite ACG est venu avec les américains, durant toute cette période c’est moi qui m’occupais des retraités. Ils étaient vraiment heureux, ils étaient bien récompensés. A un moment donné, les retraités recevaient même les matériaux de construction » se souvient-il.
Sans risque de se tromper, notre interlocuteur précise que les périodes sombres de Fria ont commencé avec l’arrivé de Rusal Friguia « avant nous étions habitués au code du travail, les conventions collectives, les protocoles d’accords entre syndicat et direction générale mais Rusal est venu annuler tout ça au nom d’un système communiste qui n’était pas compatible au système capitaliste appliqué en Guinée. Nous leur avons dit qu’on fonçait droit dans le mur » ont-ils alerté rusal sans suite.
L’ancien chef du personnel de Rusal Friguia se rappelle de la genèse de la crise de six (6) ans qu’a connu Fria et sa population « en réalité ce n’est pas la grève des travailleurs qui a causé l’arrêt de l’usine » précise-t-il avant de poursuivre que tout est parti de la dernière réunion de 2010 où le syndicat demandait une amélioration des conditions de vie des travailleurs. En réponse la direction de Rusal propose un réajustement d’un pourcentage sur les salaires. Ce qui n’était pas du goût des travailleurs. Ce fut le début d’un bras de fer entre les deux parties. Rendez-vous fut donné en 2012 pour une autre négociation. En 2012, Rusal boude la rencontre dans l’intention de fermer l’usine si toutefois une grève serait déclenchée. Le syndicat sans le savoir joua le jeu de Rusal. Ce fut parti pour la longue période de crise de six (6) ans qu’a connu la ville de Fria suite à la fermeture de l’usine Rusal Friguia.
La reprise qui s’est annoncée comme une lueur d’espoir ne le sera pas pour tous les Friakas en général et pour certains ex-travailleurs en particulier. Au nombre desquels figure El Hadj Fodé Mohamed Sylla. Il devrait faire valoir ses droits à la retraite depuis 2015 mais à cause de l’arrêt il a gardé le statut du dernier poste occupé au moment de celui-ci. De 2018 à nos jours Fodé Mohamed Sylla n’est ni employé, ni retraité « je ne vais pas à l’usine pour travailler et bénéficier des droits du travail. Je ne suis pas non plus à la retraite pour faire valoir mes droits de retraité » se plaint Monsieur Sylla.
Cette situation pousse notre interlocuteur à laisser entendre ce cri de cœur « ce que je demande à Rusal, c’est mon règlement définitif. Dans ce règlement définitif, si on se refaire à ce qui été payé aux derniers retraités. Ce sont les 21 mois de salaire de base, la prime de logement pour au moins un an accordée à ceux qui ne sont pas logés. Ensuite, Rusal doit constituer les dossiers qui doivent être transmis à la caisse nationale de sécurité sociale pour que j’ai ma retraite et pour le bien de mes enfants » sollicite-t-il.
L’ancien responsable du service personnel et administratif se dit aujourd’hui malheureux à cause du fait qu’il est privé de ses cotisations d’au moins trente ans « de 1971 à 2012 avant la crise, j’avais déjà trente ans de cotisation à la CNSS. A partir de ces cotisations seulement, la caisse peut me payer ma passion. Nous avons été à la caisse, ils nous disent, qu’ils ne peuvent pas faire quelques choses tant que l’usine n’a pas confirmé qu’elle nous a mis à la retraite. La caisse dit que si elle agit, elle sera en porte-à-faux avec la loi. »
Le salaire de base présentement perçu par les anciens et actuels travailleurs de Rusal semble dérisoire pour Fodé Mohamed Sylla « moi qui gagnait jusqu’à dix millions, si je me retrouve aujourd’hui avec un million cinquante mille francs guinéens (1.050. 000gnf) ça ne fait même pas mon carburant. C’est ma femme qui est enseignante et mes filles qui sont mariées qui me viennent en aide. » Au-delà de sa situation personnelle, Elhadj Fodé Mohamed Sylla fustige le traitement que Rusal accorde aux autres travailleurs malades et aux familles de ceux qui sont décédés.
Marié à deux femmes et père de seize (16) enfants, Elhadj Fodé Mohamed Sylla visiblement affaibli sous le poids de l’âge se dit également malade. Sur ses seize (16) enfants au total, huit (8) dépendent encore de ses services.
Emmanuel Boèboè Béavogui