La préfecture de Forécariah devient un pôle d’attraction des entreprises minières et de carrières. Tant pour l’exploitation des gisements que pour la construction des infrastructures de transport, notamment les ports, le chemin de fer et les routes. Un ensemble d’activités qui n’est pas sans consequences sur l’environnement et les communautés riveraines. Pour parler des relations entre ces sociétés minières évoluant dans la zone, les autorités et les communautés, Action Mines a tendu son micro à El Hadj Alhassane Camara, Préfet de Forécariah.
AMINES: Quelles sont vos relations avec les sociétés minières évoluant dans votre circonscription?
Préfet, EAC: Je voudrais tout d’abord dire qu’il n’y a que Ashapora qui exploite les minerais de fer de Yomboyely. Cette société qui est venu remplacer la première en faillite est arrivé à un moment où le besoin était là. Avec grand espoir que l’emploi serait garantie pour la jeunesse, que le développement communautaire serait facilité dans l’esprit gagnant-gagnant conformément à la vision présidentielle. Mais force est de reconnaître que tout n’est pas encore rose.
À un moment on disait que le prix du fer a baissé, tantôt la teneur n’est pas très importante et les difficultés ça et là ne finissent pas. Il a fallu du temps pour avoir accès à l’équipement de protection physique à savoir les bottes, les casques, les lunettes et autres. Mieux, le transport pour éviter le retard de certains travailleurs parce qu’ils n’habitent pas tous le même village. La restauration et l’hôpital pour les travailleurs, l’ensemble de ces requêtes formulées par les travailleurs sont restées longtemps sans suite. Parce qu’en fait, il n’y a que des promesses qui ne sont pas tenues lors des rencontres.
Est-ce qu’il arrive souvent de gérer ces problèmes entre l’entreprise et les travailleurs ?
Les gens se plaignent tout le temps qu’ils sont mal payés. Il n’y a pas trois jours, les travailleurs et le personnel d’encadrement étaient encore là pour des revendications salariales.
Aujourd’hui encore, il y a une mission qui est parti là-bas pour négocier parce qu’il y a toujours des avis de grèves qui sont deposés. Et pour éviter la pagaille, on est obligé d’intervenir, parce que mieux vaut prévenir que guérir. On l’a toujours fait, Ashapora ne dira pas le contraire. Chaque mois, je peux recevoir le personnel d’encadrement et les travailleurs ou moi même je peux faire le déplacement ou j’envoie les secrétaires généraux pour faire taire les grognes des populations ou des travailleurs.
Parlant des obligations contractuelles, est-ce que l’entreprise paye les redevances superficiaires à la communauté notamment à la préfecture qui a son tour doit faire le partage entre les collectivités impactées?
Oui, les redevances superficiaires sont payées, mais c’est dérisoire. Lorsqu’une sous-préfecture comme Allassoyah reçois environ un million cinq cent mille francs guinéens (1.500.000 GNF). A entendre, les gens vont dire qu’on a payés les taxes, mais combine? La sous-préfecture de Moussayah qui abrite la société a eu trente six millions (36.000.000 GNF). Une sous-préfecture composée de 12 districts plus la commune rurale. Chaque district aura combien dans ça? Pourtant, les besoins de développement sont là. C’est un peu difficile. La contribution au développement n’est jusque là pas payée. C’est ce qui est un peu important et qui peut contribuer à la réalisation des infrastructures de base comme les marchés pour les femmes, les terrains de football, les maisons de jeunes ou le reprofilage de certaines routes. Les bateaux sont venus, on voit les charges partir et nous attendons. Heureusement avec la création du FODEL, nos regards sont tournés maintenant vers lui pour le cas de Forécariah.
Est-ce que la société a déjà un an d’exploitation?
Bien sûr, l’entreprise a déjà un an d’exercice à Forécariah. L’an 2021 les a trouvé sur le terrain. Il y a ça globalement, mais il faut reconnaître aussi certains efforts parce que tout n’est pas nul.
À l’arrivée de Ashapora, c’était le chômage total. Mais cette entreprise a pu trouver de l’emploi pour un bon nombre de jeunes de Forécariah et de d’autre localités du pays pour des raisons de competences. Il faut reconnaître que les jeunes qui sont là sont mal payés, mais il y a d’autres même qui cherchent un endroit où ils peuvent être mal payés. Ensuite, ils sont en train de construire la cité de Konsondougouyah où les populations doivent être réinstallées. L’entreprise a aussi offert des forages à certains de nos secteurs dans lesquels le besoin d’eau était. Il faut reconnaître cela à l’actif de la société minière. Et aussi leur volonté de coopérer bien que c’est difficile parce que les ambitions ne sont pas encore satisfaites à 100%.
S’agissant des relations à l’interne, la discution que nous sommes en train de négocier, c’est l’affaire de contrats. Les travailleurs demandent les contrats à durée indéterminée et d’autres sont toujours dans l’attente. Il y a des promesses, mais ce n’est pas encore fait. Souvent ça incite les travailleurs à abandoner ou à pagailler et nous nous sommes contre les troubles à l’ordre public. Nous préférons la grève modérée qu’à la grève sauvage (casser des choses, jetter des pierres, mettre le feu à la brousse). Là, on envoie des services de sécurité pour les dissuader et les invitons à la table des négociations. C’est ce qu’on fait souvent.
Il y a aussi l’idée de compression du personnel parce que si les moyens ne sont pas reuni pour satisfaire tout le monde, il faut maintenir ceux dont on a besoin pour qu’ils soient bien traités. Donc c’est ce que nous sommes en train de gérer ces derniers temps là.
À part cette situation d’exploitation de minerai de fer, il faut parler de la présence de SMB Wining consortium dont la mine se trouve à Kérouané. C’est le port qui est à Séguélén (Forécariah) aux alentours de Moribayah. Là-bas aussi, les populations étaient en grognes depuis trois à quatre jours pour revendiquer le payement des redevances dans l’exploitation de la carrière de granite qui a été ouverte dans le cadre de la construction du tunnel et du port.
Ce sont les sous-traitants qui créent souvent la merde aux populations riveraines. Ils pensent qu’ils sont capables de tout. Ils négocient avec la société et quand ils amassent tout, ils les gardent à leur niveau. Tant mieux pour ce qui va se passer. Cependant, ce qui était possible hier ne l’ai plus aujourd’hui. Le guinéen s’est réveillé, il est maintenant conscient de ses droits et devoirs. Ce n’est pas facile du tout, surtout pour des pauvres que nous sommes. Quand ils apprennent qu’ils ont un droit quelques part, ils utilisent tous les moyens légaux voire illégaux pour l’obtention de leurs droits. Alors, il faudrait qu’on y pense.
Étant la structure qui a bénéficié de la sous-traitance avec Wining consortium. La SOGUIPAMI a été accusée dans cette affaire. Nous sommes en train de voir clair pour éviter aux gens des comportements qui pourraient ternir l’image de la collectivité, voire même de la préfecture. Parce que ce n’est pas digne pour nous de se prêter à certains comportements bizarres (de violences ou de tentatives de violences). Alors nous voulons que cela soit discuté à table. Une réunion a regroupé les responsables de Wining et les responsables locaux dans mon bureau le 12 juillet dernier. Le PV est là et je vais l’envoyer à la hiérarchie. Souvent, il y a des petits malentendus entre les exploitants et les collectivités, mais que nous parvenons à gérer de façon pacifique. En faisant comprendre aux populations leurs devoirs par rapport à la cohabitation avec les sociétés, mais aussi aux sociétés leur devoir par rapport au développement socioéconomique de la localité. C’est-à-dire l’impact de leurs actions sur la vie des communautés. Si cela n’est pas, la cohabitation n’a pas son importance.
On fait ces rencontres d’échanges et de conseils entre nous. C’est pourquoi à Forécariah vous n’avez pas encore vu des soulèvement violents contre qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de problemes, mais Dieu merci nous parvenons d’abord à les circonscrire à notre niveau.
Du côté des chinois de la carrière de Maferenyah, est-ce qu’il y a la bonne cohabitation?
Oui, l’électrification aujourd’hui de Madinagbé, la construction du marché des femmes, les forages en sont des illustrations pour parler de la bonne cohabitation. Ils payent aussi régulièrement ses redevances superficiaires à la commune. La commune à son tour paye aux districts qui abritent le site. C’est pourquoi même quand il y a eu le problème de déguerpissement de cette carrière, c’est toute la collectivité qui s’étaient mobilisées pour voir le ministre et venir me voir, pour faire comprendre que le domaine n’est pas approprié pour l’agriculture. Donc pour eux, Salguidia ne devrait pas penser que ça fait partir de leur espace. C’est la communauté qui a donné cette carrière inapproprié à l’agriculture mais rentable pour d’autres secteurs comme ils sont en train de le faire. C’est le lieu de remercier la Présidente du district de Madinagbé qui a initié et réalisé les infrastructures là-bas. Il y a le siège du district, le marché pour les femmes, la maison des jeunes… Tout ça grâce à sa bonne gestion des revenus aussi maigre. C’est pourquoi Koriakhori n’est pas cité dans les manifestations. Parfois, il y a des petits cris juste pour la route quand elle est dégradée. On y va pour regler ça et puis c’est fini.
Parlant d’Ashapora, est-ce qu’il y a par exemple des plantations qui ont été impactées, est-ce que vous avez été une fois saisi pour régler ces cas pareils ?
Ashapora ne m’a pas encore saisi pour une compensation à Moussayah, Layah ou à Yomboyely. Cependant, je sais que FGM organisait quand-même des seances de compensation à Konta pour les plantations et les arbres fruitiers qui étaient touchés. Même les domaines qui sont à récupérer pour le déguerpissement dans certains secteur. Ils construisaient ou les dedomageaient pour les aider à trouver un endroit où construire. Rio tinto aussi faisait la même chose à Séguélén, Bambougou etc.
Ashapora ne m’a pas encore informé de sa volonté de compenser un citoyen dont le domaine était prévu pour leur activité. Je n’est pas aussi reçu de plaintes de la part de citoyens disant qu’un champ ou une plantation a été touché sans compensation.
Donc je ne peux pas parler de compensation avec Ashapora. Ce que je sais, les redevances superficiaires sont payées.
Forécariah fait aujourd’hui office d’un centre d’attraction des sociétés minières. Quels conseils Monsieur le préfet peut donner pour éviter le phénomène de Boké, notamment les soulèvements populaires ?
Toutes les activités liées au développement s’appuient sur la cohésion sociale. Il faut la paix pour que l’investisseur vienne travailler pour le bien de tous. Donc il faut que les guinéens comprennent d’abord l’intérêt de la paix entre eux. Ensuite entre eux et les sociétés d’exploitation. Pour réussir ça, il faut la considération partagée. Il faut que les sociétés sachent que les domaines à exploiter appartiennent à des communautés depuis des décennies. Alors, puisque ces gens étaient là les premiers, ils sont sensé être considérés comme propriétaires. Pour travailler avec ceux-ci, il faut d’abord sociologiquement les connaître, connaître leur culture, respecter leur mœurs et leurs traditions. Chercher à se confondre pour mieux les connaître et les respecter dans cet état. Avoir l’esprit de tolérance par rapport à la différence. S’accepter malgré cette différence. Quand c’est le cas, ça peut marcher.
Ensuite, puisque c’est dans la vision gagnant-gagnant, ils doivent connaître les besoins des populations pour penser à comment aider cette population à lutter contre la pauvreté. Il faut les assister. Il faut que votre œuvre ai un impact positif sur le développement de la localité. En s’acquittant à temps réel des taxes que vous devez à l’État ou à la communauté. En respectant les clauses d’appui communautaires et en acceptant de bien traiter les travailleurs. Dire aussi à la communauté que les grèves répétées ne peuvent pas aboutir. Il faut donc faire en sorte que les grèves soient diminuées pour l’intérêt du travail. Pour cela, créer des comités de gestion des petits conflits dans les communautés serait une bonne initiative pour appuyer les élus dans la gestion des crises qui peuvent naître entre le travailleur et la communauté. Ne pas seulement laisser la tâche aux agents chargés des relations communautaires parce que ces agents ne travaillent qu’au service exclusif des entreprises. Ce que les entreprises minières veulent, c’est ce que font ces agents communautaires. Ils ne tiennent pas compte parfois des besoins réels des communautés. Alors ils sont confondus aux entreprises puisqu’ils ne défendent pas les intérêts de ces communautés. Ces dernières les associent aux encadreurs des entreprises. C’est pourquoi ils ne sont plus écoutés. Donc pour que ces agents communautaires soient écoutés, il faut qu’ils travaillent ensemble. Voilà ce que je pouvais dire par rapport aux conseils.
M. Oury Bah