Ashapura à Moussayah : les impacts de l’exploitation divisent

Installé après la faillite de Forécariah Guinée Mining, la prestation de la société minière Ashapura ne fait pas l’unanimité entre populations et autorités locales des collectés impactées. Action Mines Guinée a rencontré autorités administratives et locales mais également les communautés qui jugent chacun à sa manière les avantages et les inconvénients de la présence de Ashapora à moins d’un an d’exploitation.  

L’indienne Ashapura a repris les actifs de l’ancienne société Forécariah Guinée Mining (FGM) qui exploitait le minerai de fer de Yomboyeli, situé dans la sous-préfecture de Moussaya, préfecture de Forécariah après plus de 4 années d’arrêt.

Les autorités aux différents niveaux apprécient la prestation de l’entreprise chacun selon sa perception. De la commune rurale aux districts les plus reculés, les appréciations apportées par les responsables locaux sont diverses et mitigées.

Dans la commune rurale, la première autorité administrative salut la présence de Ashapura dans sa circonscription « La relation entre la société et la communauté se porte bien», estime Cécile Bandjou Doumbouya, sous-préfet de Moussayah. Selon lui il n’y a aucun problème pour le moment. « Tout ce qu’on les propose comme doléance, ils interviennent et nous satisfont comme on le souhaite. Quand eux-aussi ont des problèmes, leur référence c’est la communauté. Les dédommagements aussi se font, comme ça se doit » a poursuivit le sous-préfet Cécile Bandjou Doumbouya.

Le maire de la commune rurale reconnait être consulté par l’entreprise et la communauté chaque fois que les besoins se présentent « En tant qu’autorité locale, il faut reconnaitre que nous sommes consultées par l’entreprise par rapport à ce qu’elle fait pour les communautés. Nous sommes écoutés également quand nous portons les réclamations des populations devant elle», affirme El Hadj Demba Camara.

Par contre il dénonce le fait que les citoyens parfois n’informent pas la commune pour des sujets à leurs avantages comme le cas des compensations. « Il faut dire que certaines négociations notamment les indemnisations se passent entre eux sans notre intervention. Mais il est aussi important de rappeler que toutes les réclamations ne sont pas prises en compte», précise le maire

L’autre fait qui fâche dans l’exploitation du fer à Moussayah, c’est la nature des contrats délivrés aux employés par la société Ashapora.  « Nous recevons des plaintes par rapport aux traitements que les travailleurs subissent, mais le problème le plus fréquent est celui lié aux questions de contrats à durée indéterminée (CDI),» nous a confié le maire El Hadj Demba Camara.

A environ 15 kilomètres de la commune rurale, les tons ne sont pas les mêmes. A Layah, l’un des districts directement impactés par les effets de l’exploitation minière, la dégradation de l’environnement, les destructions des biens et les conditions de vie difficiles sont déplorées tant par les autorités locales que par les citoyens.

Le président dudit district Sékou Yansané reconnait certes quelques avantages notamment l’emploi de certains jeunes et l’indemnisation des terres impactées, mais il déplore beaucoup d’autres problèmes qui restent à régler. Pour lui « c’est le lieu de dire que les négociations entre entreprise et propriétaires terriens se passent sans notre présence, c’est quand il y a problèmes qu’ils viennent nous voir. Une situation compliquée à résoudre, car ça nous met devant les faits accomplis. »

D’autres maux et non les moindres ont été déplorés par le président du district de Layah « Nous avons des difficultés comme l’envahissement de nos champs par la boue, la réduction de l’espace cultural et les bas-fonds ne sont plus propice à l’agriculture à cause des problèmes cités plus haut. Mais nous n’avons pas d’autres choix que de prendre nos maux en patience. »

 Il signale un autre problème aussi crucial qu’est le changement brutal de leurs conditions de vie avec le flux migratoire drainé par la société. « Aujourd’hui tout est cher. Si vous prenez le gombo qui était 3 à 500gnf, il est vendu de nos jours 1 à 1000 gnf», s’indigne le responsable local.

Sur les payements des redevances minières, le président du district affirme n’avoir perçu aucun fond depuis sa prise de fonction « je suis à la tête de ce district depuis 1 an et 6 mois et je n’ai rien reçu comme taxes de la part de l’entreprise. Et quand on demande certaines réalisations, elle dit qu’elle a déjà payé des redevances à la sous-préfecture», confie-t-il.

Comme recommandation, le numéro 1 du district de Layah demande à l’état de prendre en compte leurs préoccupations surtout celles liées aux impacts sur les cultures et les sources d’eau.

Comme un son de cloche, la mauvaise prestation de la société Ashapura raisonne sur toutes les lèves des communautés à la base. La présidente des femmes dudit district ne mache pas ses mots « Les propriétaires des terres impactées par les activités minières ne sont pas satisfaits car on ne peut pas déplacer les gens sans leur apporter une indemnisation juste et équitable. Mais comme nous ne sommes ni consultées ni écoutées. Nous n’avons d’autres choix que de nous resigner. C’est le lieu de dire que la bonne cohabitation découle du respect mutuel et la considération», se plaint Dame Kaba.

Comme une mère de famille, rien n’échappe à la vigilance de la présidente des femmes de Layah « Le peu d’infrastructures que nous avons ici sont délabrées notamment l’école et le centre de santé dont la capacité d’accueil est très faible par rapport à la taille actuelle de la population ».

Bien qu’ayant reconnu l’emploi de certains jeunes de la localité par l’entreprise, la présidente fustige l’attitude de la société Ashapura à l’égard des femmes.  Selon elle, les préoccupations des femmes seraient mises dans les oubliettes par la société minière. « Nous les femmes d’ici évoluons en grande majorité dans le maraichage et les cultures vivrières. Il se trouve qu’avec la présence de la société nos activités sont fortement perturbées suite à l’expropriation de nos champs. Nous avons mené plusieurs démarches auprès des responsables de l’entreprise pour au moins financer quelques initiatives comme la saponification, le maraichage, le petit commerce et la teinture mais elles sont restées vaines. »

Au nom de la junte féminine, dame Aicha KABA, plaides-en ces termes «Nous sollicitons aux autorités et à l’entreprise de nous aider à financer nos initiatives notamment les intrants agricoles pour le maraichage, appui technique et financier pour la saponification et l’emploi pour nos enfants ».

 

Contrairement aux autres responsables à la base, le secrétaire administratif du bureau de la jeunesse apprécie les apports de Ashapura dans sa communauté. Pour Mohamed Lamine Diaby, l’implication du bureau de la jeunesse dans les démarches communautaires de la société est bénéfique. « La présence de cette société a beaucoup amélioré les conditions de vie des jeunes à travers l’amélioration des chiffres d’affaires des citoyens surtout les jeunes. »

Il soutient aussi que grâce à cette société, certains jeunes ont appris des métiers et les exercent aujourd’hui dans la même société. Les métiers parmi lesquels il cite les chauffeurs de camion et les conducteurs de machines.

Emmanuel Boèboè BEAVOGUI