Moustapha Thiam, opérateur agricole dans la préfecture de Dinguiraye parle dans cet entretien de l’aménagement de la plaine de Bambadala, située dans la commune urbaine de Dinguiraye. Une plaine qui a absorbé près de 2 milliards de nos francs, mais aucune semence n’a été faite.
AMINES : Dites-nous comment en tant qu’opérateur agricole vous avez pu décrocher ce fonds FODEL ?
Moustapha Thiam : J’ai toujours souhaité avoir un prêt agricole ou bien un financement agricole pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire à Dinguiraye et dans la sous-région. Je me suis battu, on a des plaines allant jusqu’à 4000 hectares tout le long du Tinkisso. Nos aïeux ont toujours fait l’agriculture et nous suivons leurs pas. Donc nous souhaitons que l’Etat continu de nous appuyer par le billet du FODEL comme ils l’ont fait l’année dernière.
Comment vous avez fait pour obtenir ce contrat avec le FODEL ? Vous avez postulé ou bien on vous a recruté ?
J’ai postulé en même temps le consultant était venu à Dinguiraye pour visiter la plaine. Il a été tellement émerveillé qu’il a promis avec les autorités de financer la clôture. Et comme c’était un peu tard ils vont financer pour 100 hectares après il y aura l’aménagement de la plaine à la longue. C’est comme ça que j’ai obtenu le financement.
Vous avez bénéficié de combien pour l’aménagement et l’exploitation de la plaine?
C’était environ 1 milliard 700 cent millions, moi j’ai dit que je ne suis pas ingénieur en aménagement, donc je ne peux pas prendre le montant destiné à ça. J’ai juste pris le prix destiné au démarrage des travaux, au champ, à la clôture et le magasin de stockage. C’est ce qui a coûté à peu près 1 milliards 270 millions.
Est-ce que vous avez été payé intégralement?
Je dis qu’on n’a pas été payé intégralement. Parce que on dit toujours qu’il y a le suivi et l’évaluation, on te soutire toujours des montants, pratiquement même ça on jongle avec mes créanciers. J’ai dépensé parfois sur fonds propre, ça se trouve même dans le rapport du FODEL. Ces fonds que je n’ai pas perçu.
Combien dans l’ensemble avez-vous reçus ?
Dans l’ensemble, j’ai reçu 60% du montant.
On ne vous a pas donné le reste du montant ?
Non, ils ne m’ont pas donné.
Qu’est-ce qu’ils vous ont dit par rapport au reste ?
Vous savez, le reste du payement était prévu au mois de septembre, mais il y a eu les élections en octobre. Ce problème a soulevé tellement de cris ici à Dinguiraye. Certains ont dit que le préfet et d’autres ont détournés l’argent par mon billet. Moi j’étais tellement découragé que je n’en parlais plus. Je crois au projet parce que j’ai même mis mon sang là-dedans. Courir tous les jours de Dinguiraye à ici, durant près de deux mois je suis en train de me battre pour faire cette clôture. Et comme c’est un fonds économique de la commune, le contrat dit quand on travaille j’ai 30%, le FODEL a 20% et les 50% autres c’est pour le fonctionnement.
Vous avez un contrat avec le CAGF ou avec la commune ?
J’ai signé le contrat avec le CAGF et Sékou oumar Diakité, le président du CAGF en est le signataire. Moi je suis à la fois opérateur et propriétaire du domaine.
On vous paye cette partie ?
C’est pourquoi on m’a proposé les 20% du revenu.
Et qu’est-ce que vous gagnez en tant qu’opérateur ?
Ça on n’en a pas discuté franchement
Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement le contenu du contrat ?
C’est la récolte, c’est ce que le consultant Monsieur Garba a dit. C’est ce qui est dans le contrat, si par exemple on a 100 tonnes de riz, les 20% des 100 tonnes c’est pour moi, les 30% c’est pour le CAGF et les 50% restants c’est pour la plaine.
Dans le contrat, avez-vous mis ici en bail et c’est pour combien d’années ?
C’est pour 15 ans.
Est-ce que dans l’argent qu’on vous a payé vous avez acheté du matériel ?
Un tracteur plus son équipement, l’équipement de tout ce jardin là que j’ai délocalisé d’abord j’ai envoyé: les tourniquets, les groupes électrogènes, les moteurs et autres. J’ai payé beaucoup de matériels.
Le tracteur vous a couté combien ?
500 millions GNF. Je l’ai garé, quand j’ai fini. Il y a juste dix jours que nous venons de finir ici. Ce n’est pas ma propriété, c’est la propriété du CAGF.
L’année dernière vous avez récolté combien de tonnes ?
Il n’y a pas eu de récolte l’année dernière. C’est ce qui a envoyé tous ces problèmes mon frère. Si on avait récolté ici, c’est toute la Guinée qui allait applaudir. C’est parce qu’il y a eu calamité, c’est-à-dire le champ a été inondé. Au lieu de se battre maintenant pour me subventionner, les gens se mettent à crier et dire que nous avons jeté de l’argent.
Ne pensez-vous pas que le 18 juillet est tard pour semer dans une plaine qui longe le Tinkisso ?
Non, c’est en juillet nous avons semé ici le 18 juillet. Vous savez, c’était dû à l’obtention du fonds et je l’avais signalé. J’avais dit d’attendre qu’on finisse les travaux, parce que cela m’a surchargé même. Cela a failli me faire péter la tête. C’était un double travail faire la clôture et semer. Si on met du riz ici et on ne clôture pas c’est zéro, parce que vous avez vu la divagation des animaux. Avec deux gardiens ils ne peuvent pas.
Vous leur avez alerté quand même sur le risque qu’il y avait ?
Oui j’ai alerté. Mais il y a des coteaux où on peut sauver par exemple par-là. Même en juillet j’ai semé le riz ici et j’ai récolté, même en Août d’ailleurs j’ai semé ici et ça réussi. Pendant l’inondation, il y a eu des crues de 4 mètres de hauteur qui ont bouffé le riz. Je ne dis pas que c’était en retard, moi je ne le dis jamais puisque c’est Dieu. La zone profonde de Bambadala c’est ici. J’ai même mis du flottant ici et j’ai récolté. Donc trente ans d’expérience, je ne dirais pas qu’on était en retard parce qu’il n’avait pas plu en même temps, on a semé dans la poussière. Donc on peut dire que c’est une catastrophe naturelle.
Comment ces conséquences ont été gérées ? On vous a laissé seul gérer ces conséquences-là ou alors ils sont venus vous demander comment gérer l’inter-saison ?
J’ai demandé un prêt pour faire ce jardin-ci. Ce en attendant de mieux sécuriser le domaine à travers cette clôture et le consultant (Garba) a accordé cela.
Combien vous avez bénéficié pour ce jardin ?
Disons dans les 65 millions GNF, le grillage des coteaux et tout était inclus dans les dépenses.
C’est dans les 1 milliard 200 millions GNF que vous avez pris le prix du tracteur ?
C’est dans ça que le prix du tracteur a été défalqué. Et actuellement je me sens carrément abandonné !
Quel est votre état d’âme ?
Je suis malade, je pèse 70 kg, mais vous avez vu comment j’ai perdu du poids. J’ai encadré plus de cent personnes ici pour ce travail. Maintenant, j’ai dit à Soumah le coordinateur que je vais préfinancer les 70 hectares parce que je ne peux pas faire ce financement et abandonner. Ce n’est pas possible, moi mon souhait était de le faire. Donc moi je suis passé par tous les moyens pour valoriser ces 70 hectares et je l’ai mis au nom du FODEL. Mais ils vont me rembourser ce que j’ai mis comme financement après et c’est tout.
Ils vous ont donné l’accord qu’ils vont vous rembourser ?
Moi je l’ai dit à Soumah au téléphone. Mais depuis ça on ne s’est pas vu. Je lui ai dit que je vais faire un préfinancement et quand il reviendra on va trouver une solution.
La commune dit souvent que ce n’est pas leur projet et pourtant la plaine se trouve dans la commune urbaine donc la commune n’a pas été signataire du contrat?
Ils n’ont pas été signataires parce que c’est le Préfet M. Lamarana qui l’a fait pendant la campagne électorale. Le jour du lancement, le gouverneur était présent. Mais la mairie n’était pas informée, cela a voulu créer des problèmes. Mais comme le préfet savait que je suis un travailleur, et que l’investissement était bénéfique pour la commune c’est pourquoi il a cru au projet.
On est d’accord qu’il y a des villageois autour de la plaine qui réclament encore ce domaine qui sont à Ballanimaya ?
Oui, ils sont toujours comme ça. Ils réclament qu’ils ont donné ce domaine à mon papa depuis plus de 80 ans. Mais moi j’ai un document légal que j’ai montré au maire d’ici.
Ce sont des documents coloniaux ?
Ce n’est pas colonial, mon père a commencé à exploiter ici en 1946. Il avait sa plantation ici. Il y a également creusé un fossé de 1km. Ce sont les aïeux des gens de Ballanimaya, un vieux qui s’appelait Thierno au temps colonial qui a donné ici à mon père. Et ses enfants vivent.
Ce sont eux qui réclament le domaine ?
Ce ne sont pas eux. Tu sais de nos jours, il y a tellement de problèmes de ce genre. Ce sont des gens qui veulent réclamer des choses dans le vide. Si non tout Dinguiraye sait l’appartenance de Bambadala.
Comment se fait-il qu’il y a une seconde famille qui réclame ici, la famille Dack ?
C’est mon père qui les a donnés une partie de cette plaine. C’est la route qui nous sépare, ils ont à peu près 50 hectares ici. Quand j’ai acquis le contrat avec le CAGF, je l’ai appelé pour lui demander de représenter sa famille. Je lui ai dit que je ne veux pas seulement clôturer notre partie. S’il peut participer, qu’il me fasse un document légal avec un prêt de 15 ans avec le CAGF. Mais un document écrit et je lui mets ses pourcentages. Il a fait ce document avec les témoins, j’ai le document. Présentement il est le chef des travaux et je lui ai acheté une moto pour qu’il suive les travailleurs.
Comment cette collaboration pourrait-elle continuer et dans quel sens ?
Chez nous ici il y a trop de problèmes avec des ‘’on dit’’ sans travail. Je suis disponible et prêt à travailler avec eux.
Quels sont vos défis aujourd’hui dans ce projet ?
Le défi, que nous avons c’est d’avoir un forage, parce que notre arrivée ici dépends de la proximité du fleuve que nous devons exploiter. Et en creusant ce forage, les villageois vont en profiter.
Quels sont les autres défis auxquels vous faites face pour ce projet ?
Bon, c’est avoir un autre financement pour augmenter les équipements surtout une moissonneuse batteuse. Cela faisait partie du programme, mais elle coûte 600 millions et on ne peut pas acheter cela dans un projet de 1 milliard. Et seulement le tracteur a coûté 500 millions GNF. La clôture là seulement a pris près de 300 millions GNF. Je suis endetté jusqu’au cou actuellement, mais je me réserve. Si non je suis surtout dans l’agriculture, j’ai une machine du CAGF avec une capacité de 3 chevaux. Il ne peut pas exploiter une superficie de 800 hectares. Donc avec çà on sera en retard, il faut l’assistance de trois autres machines.
Mais dans le projet l’aménagement était prévu et cela n’a pas été fait ?
Oui cela n’a pas été fait.
L’année dernière combien de tonnes vous avez semé ?
Pour dix tonnes,
Dans votre prévision combien de tonnes alliez-vous récolter ?
C’était 3 tonnes à l’hectare et 100 hectares te fait 300 tonnes, voilà la prévision que nous avions faite.
Et la calamité, c’est le fait que le fleuve a débordé ?
Ce qui s’était passé, c’est du jamais vu ici à Dinguiraye. Tous ces arbres-là ont disparu pendant deux semaines sous l’eau. Je vous le jure et cela jusqu’à Siguiri précisément à Fifo sur un rayon de 170 km. On ne sait pas d’où est venue l’eau là. Il n’y a pas eu un grain de riz récolté sur les 150 km, donc il n’y a pas de riz cette année. Vous savez combien j’ai payé les sacs de riz cette année ! C’est à 400 mille GNF pour les semis habituellement que je payais à 200 000GNF ou 250 000. Moi-même j’ai vendu à 200 000 GNF par le passé.
Donc il y a eu interruption en semence de riz?
Oui, il y a eu interruption de riz ici à Dinguiraye.
Quelles sont vos recommandations ?
Si le FODEL peut nous assister encore pour l’année prochaine. Construire un grand magasin de stockage de la production. En un mot avoir un accompagnement financier et faire le travail. J’ai de la main d’œuvre qualifiée même si c’est cher. Je peux mobiliser facilement pour un travail en un rien de temps. Donc ma recommandation c’est juste de continuer à financer pour qu’on s’en sorte. Il ne faut pas que le bailleur se décourage parce qu’il y a eu calamité, cela dépend de Dieu. Ce n’est pas de notre faute s’il y a eu cette calamité naturelle. Donc il faut aménager d’abord pour qu’on puisse produire à 100%.
Mamadou Oury Bah