Kintinian : Plus de manifestations contre la SAG grâce au FODEL

La mise en œuvre du fonds de développement économique local (FODEL) dans les communes minières de la Guinée reste un défi pour la commune rurale de Kintinian (Siguiri). Mais pas seulement. Etant une localité impactée par la société Anglo Gold Ashanti (SAG) qui exploite l’or, cette localité jadis reconnu par ses manifestations contre la SAG est aujourd’hui tournée vers la réalisation des projets financés par le FODEL. Pour parler des enjeux et défis de la mise en œuvre du FODEL, Action Mines Guinée a interviewé le maire de la commune rurale de Kintinian, Balla Camara. Interview !

AMINES : Quels sont les avantages que vous tirez du FODEL par rapport aux autres fonds miniers destinés au développement local ?

Balla Camara : Avant, c’était le Conseil Préfectoral de Développement (CPD) qui recevait l’argent au compte des collectivités. Alors, l’argent était utilisé, mais on ne voyait pas son importance.  Aujourd’hui, l’argent que nous recevons a changé de nom, il s’appelle fonds de développement économique local (FODEL). Il correspond aux 0,4 % qui arrivaient à la commune de Siguiri.

En 2020, quand l’argent a été partagé, chaque commune a reçu sa part. Dans les années passées, à l’arrivée de ce fonds, on nous disait de proposer des projets. On pouvait faire de bons projets mais s’ils ne convenaient pas aux décideurs, ils ne les validaient pas. Et les projets qu’ils sélectionnaient aussi n’étaient pas ce que nous voulions. Ces projets étaient mal gérés. Et les gestionnaires prenaient avec les entrepreneurs une bonne partie de l’argent destiné à leur financement. Il n’y avait pas de contrôle digne de nom, ni de justification pendant la gestion de ce fonds par le CPD.

Maintenant, Dieu merci que ce fonds FODEL est mis dans les portefeuilles des communes afin que chacune puisse se développer elle-même. A Kintinian, on détestait la présence de la SAG et on disait qu’elle ne nous apportait aucun avantage.

Aujourd’hui, nous la protégeons contre les violences. Parce qu’au paravent, chaque fin de mois il y avait des manifestations à Kintinian contre la SAG et ses travailleurs. Il y a environ une année et quelques aucune manifestation n’a été organisée contre la SAG. C’est parce que nous avons su l’avantage du FODEL. Si on entend FODEL, c’est parce que la société travaille. Alors si elle ne travaille pas, on ne peut pas bénéficier du FODEL.

Quel est le montant bénéficié par Kintinian ?

Dans le cadre de ce fonds, Kintinian a reçu plus de 27.000.000.000 GNF. Avant, nous ne recevions que peu. Même Siguiri recevait plus que nous. Kintinian ne gagnait même pas la moitié de l’argent de Siguiri. Notre commune recevait la même part que les autres communes. Pourtant, c’est à Kintinian où la société a plus d’impact. C’est pour dire que ce qu’on nous donnait était insignifiant. Contrairement à cette fois-ci, Kintinian a reçu la plus grande somme. Cela nous a permis de financer des projets qui seront économiquement rentables à la commune.

Quelle est votre vision avec ce fonds ?

Notre vision aujourd’hui est l’utilisation durable de ce fonds. Il permettra de mieux se développer et se soutenir même après la SAG. En plus, la rentabilité de certains projets comme la valorisation d’un domaine de 260 hectares peuvent être avantageux pour tout le pays. A présent, nous avons 1000 pieds d’ananas, 5 hectares de haricots, 300 000 et quelques pieds d’orangers, 2000 et quelques pieds de bananiers, etc. Certains produits (ananas, oranges) sont destinés à l’industrie dans l’avenir.

Quels sont vos principaux projets en cours de réalisation ?

Nos grands projets en réalisation, sont le :

  • Projet d’installation d’un conteneur frigorifique de (40) pieds de de poisson à Fatoya, par les jeunes ;

  • Projet de construction d’une station de service, par les femmes;

  • Projet de construction d’une ferme, par les jeunes ;

  • Projet d’achat des équipements de soudure, par les ouvriers ;

  • Projet de développement d’apiculture ;

  • Projets agricoles (culture de maïs, d’arachide) par les jeunes ;

  • Projet de saponification par les femmes, etc.

A ce jour, certaines personnes commencent à abandonner les mines d’or. Elles font des projets et viennent chercher le financement à la commune. Et les manifestations sont presque limitées.

Vous êtes à votre première expérience avec le FODEL. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’utilisation de ce fonds ou dans la mise en œuvre des projets sur le terrain ?

 Le véritable problème aujourd’hui est la gestion transparente de ce fonds. En effet, si tu deviens chef (maire ou conseiller) et il se trouve que tu n’as pas les moyens de subsistances, il sera difficile pour toi de prendre certaines décisions. Etant l’un des gestionnaires d’un tel montant, ta vision sera de faire tout pour avoir une part. C’est ce qui amène certains maires à s’associer avec un entrepreneur pour monter des faux projets. Tout cela parce que les maires ne gagnent même pas plus de 200 000 GNF par mois. Je ne dis pas que c’est mauvais d’accorder un pourcentage dans ce fonds aux préfets et sous-préfets, mais le gouvernement doit faire quelque chose pour les maires aussi. Sinon, il serait difficile pour eux de faire une gestion transparente de ce fonds. Cela a affaibli les maires dans la prise de certaines décisions. Il a également occasionné la non réussite de leurs projets. Il faut que le gouvernement porte un regard pointu sur cet aspect.

En plus, le gouvernement doit former les maires et les vices maires sur le FODEL. Ils sont très nombreux qui ne le maîtrisent pas. C’est ce qui fait que l’information de certains maires est différente de celle de leurs vices maires. Cela crée de la confusion et amène la polémique dans la commune concernant l’utilisation du fonds FODEL.

A date, est-ce que vous avez bénéficié de formation sur le FODEL ?

En matière de formation, je n’ai pas assez de difficultés ainsi que mes conseillers. Avant que je ne sois d’abord élu maire, j’avais des connaissances sur le FODEL à travers les formations offertes par certaines organisations de la société civile comme (Action Mines Guinée, ADREMGUI, MDT et CECIDE). Ensuite mes conseillers et moi avons également été formés par le CAGF.

Les bénéficiaires du fonds FODEL savent-ils que l’argent qu’ils ont reçu est un fonds à rembourser à l’intervalle de trois ans ?

Tout le monde est informé que l’argent qu’il a reçu est un prêt et c’est à rembourser. Les bénéficiaires ont même reçu dans ce cadre des formations et des sensibilisations avec le CAGF, CECIDE et Eleven Hours. Ces structures ont formé les élus et les bénéficiaires sur les moyens de gestion, d’octroi et de remboursement de ce fonds. Donc, les bénéficiaires connaissent très bien qu’ils doivent rembourser leur prêt à l’échéance de trois ans. A notre tour, nous les rappelons sans cesse sur ce point. Il y a quelqu’un même qui nous a promis de rembourser cette année. Cela permettra à d’autres personnes d’en bénéficier.

Quel conseil prodiguez-vous aux uns et aux autres pour une gestion rationnelle du FODEL ?

D’abord, j’invite le gouvernement à améliorer les conditions de vie des maires. Ensuite, je conseille à tous les maires de travailler dans la transparence. Ils doivent veiller à la bonne utilisation de ce fonds et suivre rigoureusement la réalisation des projets financés. C’est ce qui sera avantageux pour tout le monde.

En fin, je les invite tous à s’activer auprès des bénéficiaires pour rembourser l’argent qu’ils ont reçu. Aux bénéficiaires de bien utiliser cet argent et être à la hauteur de la confiance qu’on les a mis. Cela permettra à d’autres personnes d’en bénéficier.

La bonne utilisation de ce fonds FODEL permettra de lutter contre la pauvreté, le chômage et le développement durable des communes minières. Elle amènera également la paix dans ces zones.

En outre, les communes minières doivent faire preuve de prudence. Elles doivent mettre en place un cheval de bataille pour l’utilisation optimale et durable de ce fonds, surtout les communes qui abritent l’exploitation de bauxites et de fers (celles de Boké, par exemple).

Par conséquent, c’est nous qui perdons les moyens de subsistance (terres arables, plantations ou forêts, etc.) dû à l’installation de ces sociétés. Alors, si nous utilisons mal ce fonds FODEL, nous compromettons notre avenir et celui de nos enfants.

Réalisée par M. Aliou Diallo

Transcrite par Mohamed II Fofana

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