Gestion du Fodel à Sangarédi : les précisions du Maire Houdy Bah

Le maire de la commune rurale de Sangarédi s’est entretenu avec notre équipe média pour parler de la mise en œuvre du FODEL. L’occasion a été mise à profit pour planter le décor d’une nouvelle expérience en termes de gestion des revenus locaux. Interview !

Action Mines : Faites-nous l’état des lieux de la mise en œuvre du FODEL à Sangarédi ?

  1. Houdy Bah: La commune rurale de Sangarédi a bénéficié un montant de plus de 3 100 927 000 GNF. Ce montant à servi à financer un certain nombre de rubriques dont les principales sont des projets économiques et sociaux de la commune, des projets jeunes et femmes, le fonctionnement de la commune et du comité de suivi.

Chaque rubrique a bénéficié d’un pourcentage dont les projets femmes 20%, les projets jeunes 20%, les projets sociaux de la collectivité 21%, les projets économiques 30% et tous les autres notamment la vulgarisation, le fonctionnement de la commune et la formation à hauteur de 5%.

En ce qui concerne les projets économiques, nous avons ciblé deux grandes activités : la construction d’un super marché et d’une boucherie moderne dans le marché de Thiankounaaye. Deux autres sur le volet social, il s’agit du projet d’assainissement qui comprend en son sein l’assainissement des déchets liquides qui nous a amené à payer un netrocureur. Et le projet d’assainissement et la collecte des déchets solides qui nous a amené à payer un certain nombre de tricycles, des poubelles et recruter des agents de terrain pour effectuer cette opération.

Donc, tous les projets sont en cours d’exécution. 15 projets jeunes ont été financés et 16 sur 17 projets femmes ont été aussi financés. Nous venons de conclure dans ces jours-ci le financement de deux autres projets, un projet jeune et un projet femme et qui va avoisiner à 33 projets jeunes et femmes financés par le fonds FODEL.

Où en sommes-nous pour la mise en œuvre du FODEL ?

La mise en œuvre est en cours. Les projets jeunes et femmes sont en cours d’exécution. Il y a des spécialités, notamment des projets de teinture, de saponification, de maraichage, d’élevage de petits ruminants et des projets agricoles.

Tous ces projets sont en cours d’exécution et sont suivis mensuellement par le comité de suivi des projets FODEL qui dépose des copies des rapports au niveau de la commune et au niveau du CAGF.

Quelles sont les leçons tirées de cette gestion ?

C’est un peu tôt de tirer des leçons. Chaque étape peut correspondre à un certain nombre de difficultés. Nous avons quelques difficultés dans l’exécution de ces projets notamment le manque de suivi technique et le manque de formation des bénéficiaires des projets.

Vous savez qu’on ne peut pas faire le maraichage, la saponification, l’élevage du petit ruminant sans une certaine formation. Ce volet-là a été occulté dans les rubriques de financement de l’argent FODEL et qu’il faudrait en prendre compte. Il serait bien de recruter des spécialistes dans les différents domaines pour suivre les groupements jeunes et femmes.

Donc nous sommes à la recherche de ces conseillers techniques pour venir auprès de ces femmes et jeunes non seulement pour augmenter leur savoir-faire dans ce qu’ils sont en train de faire. Et en même temps les donner quelques notions de comptabilité pour permettre aux bénéficiaires de rembourser ces fonds révolving destinés à améliorer les conditions de vie de ces femmes et jeunes. Mais si la comptabilité est mal faite, ça risque d’appauvrir certains. Et ce n’est pas ça l’esprit du FODEL. C’est plutôt développer des activités génératrices de revenus et qu’il y ait vraiment quelque chose qui va venir s’ajouter dans le gain de ces différents groupements de jeunes et femmes qui ne peuvent pas avoir tous l’emploi dans les sociétés minières.

Comment comptez-vous les accompagner à part ces appuis technique et financier ? Est-ce que vous avez eu par exemple à mobiliser les bénéficiaires pour que chacun explique à son niveau ses difficultés et comment le comité technique mène ses activités au niveau des bénéficiaires ?

D’abord, le comité de suivi se rend sur le lieu pour prendre connaissance de ce qui est en train de se passer et remonte les informations. Nous analysons ces informations ensemble et nous adoptons un certain nombre de conseils pratiques qu’il doit véhiculer au niveau de ces groupements. Maintenant il arrive que nous convainquions les groupements et nous leur prodiguons de conseils issus de nos raisonnements personnels dans leur spécialité. Mais personne d’entre nous n’est spécialiste en la matière.

Comment évaluez-vous les projets sur le terrain ? Quel est le taux de réussite ?

Vous savez que ce sont des projets de deux ans ou trois ans et que le remboursement devait commencer en fin novembre et nous sommes au début décembre. Donc nous attendons le premier remboursement en ce qui concerne certains groupements qui sont dans la saponification, la teinture, etc. et on est obligé de nous conformer au calendrier agricole pour ceux qui sont dans l’agriculture.

Est-ce qu’avec le comité de suivi, tous les projets financés ont connu un début d’activité ?

Oui, tous les projets financés par le fodel ont connus un début d’activité sauf un seul. Il s’agit du projet de jeunes pour la construction d’une briqueterie. Mais ils ont reçu un montant qui ne peut pas démarrer l’activité. Même le consultant l’a confirmé après avoir analysé le projet. Donc nous avons fait un memo que nous avons déposé au niveau du CAGF pour augmenter 49 millions sur les 20 millions de fonds de démarrage qu’ils devraient percevoir.

Ils attendent le reliquat jusqu’à présent pour engager le processus. Sinon tous les autres 30 projets sont en cours d’exécution.

Concrètement, on a combien de projets femmes et jeunes financés ? Quel est le nombre de projets socioéconomique dans la CR de Sangarédi ?

Les projets jeunes et femmes sont au nombre de 31, 16 projets femmes, 15 projets jeunes. Mais il y a également deux autres projets qui doivent être financés dans ces jours-ci.

Pour les projets économiques, il y a le projet de construction d’un centre commercial et celui de la réhabilitation et d’extension d’une boucherie moderne. Quant aux projets sociaux : comme je le disais, il y a le grand projet d’assainissement qui prend en son sein trois volets : L’achat des motos pour les déchets liquides, l’achat de quatre tricycles et l’achat de 100 poubelles, et le recrutement de 26 agents de ramassage d’ordures.

Que sollicitez-vous auprès des autorités et des communautés qui sont les bénéficiaires finaux du FODEL ?

Aux autorités, nous pensons que cette stratégie adoptée par l’utilisation des redevances minières peut être bénéfique pour les communautés à la base. Parce que nous voyons des indices du côté de certains projets qui ont commencé à produire des résultats vraiment tangibles. Si cela continue, c’est sûr que cela pourrait avoir des impacts positifs sur les revenus des différentes entités sociales.

En ce qui concerne les bénéficiaires, nous les encourageons et nous les faisons comprendre que c’est un fonds revolving qui doit être remboursé et être prêté à d’autres pour qu’il y ait beaucoup plus de bénéficiaires. Et nous leur exhortons à continuer et à mériter la confiance que la commune a portée en eux pour que l’activité qu’ils ont engagée soit une activité bénéfique pour eux et leurs familles.

Si on vous demandait d’évaluer, selon vous qu’est ce qui a marché et qu’est ce qui n’a pas marché et de quoi vous vous sentez fier aujourd’hui dans la gestion de ce fonds FODEL?

Nous sommes tout à fait au début. Il n’est pas facile de tirer une conclusion et de savoir exactement ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Mais ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a un très bon début.

A ce stade, nous déplorons le manque de suivi technique des projets par des spécialistes.

Ce qui nous rend fiers, c’est que nous parvenons à occuper nos communautés. Nous parvenons vraiment à occuper nos jeunes demandeurs d’emploi. Cela nous rend fiers car ça permet de diminuer la pression qu’exerce la jeunesse sur les autorités locales. Parce que c’est nous qui supportons toutes les conséquences des excès de cette jeunesse. Comme on a toujours dit, si tu ne t’occupes pas de la jeunesse, elle va s’occuper de toi.

Les bénéficiaires se reconnaissent-ils réellement dans ce mécanisme ?

Bien sûr, ils se reconnaissent vraiment dans ce fonds et sont très contents, et beaucoup d’autres en veulent. Actuellement, on a plus de 15 groupements et associations qui sont demandeurs et qui attendent le prochain exercice. Nous les avons demandés de commencer à demander avant l’arrivée des fonds.

C’est bien cette fois-ci, que les fonds soient dirigés sur des groupements qui sont déjà en activité. Et nous avons invité tous les postulants pour le fonds FODEL de 2020 d’être sur le terrain. Parce qu’on n’a pas besoin de groupements sur papier et nous partirons sur le terrain pour vérifier. Cela peut nous permettre de faire un suivi préliminaire, ou en tout cas appeler à un suivi technique qui sera moins lourd.

Est-ce que vous sentez que toutes les règles édictées dans le manuel de procédures ont été respectées dans la gestion des fonds ?

Effectivement, mais comme c’est un début, il y a quelques passages de ce manuel qui collent difficilement avec la pratique, la réalité du terrain. Mais on le découvre au fur et à mesure qu’on évolue.

Quelles sont vos recommandations ?

Premièrement c’est dans le cadre du suivi, les fonds alloués au comité de suivi sont insuffisants. Donc, la commune est obligée de supporter une partie de ce fonds.

Deuxièmement, les banques de proximité en sont un autre problème. La réclamation de ces fonds, nous ne sommes pas spécialistes en micro finance ou en finance. Et puis, nous ne sommes pas habitués à prêter de l’argent et à le récupérer. Les institutions de micro finances sont très hésitantes eu égard aux expériences antérieures amères.

Ces micro-finances ne nous ont pas écouté, au niveau des banques primaires, le taux d’intérêt est très élevé et les procédures sont lourdes par rapport aux maigres moyens des communautés qui n’ont besoin que de 15, 20, 30 ou 50 millions au maximum, et sur une période de 2 à 3 ans.

Quelles sont vos perspectives à court et à moyen terme ?

C’est toujours tirer la première leçon de cette première expérience que nous avons eue et financer les groupements qui sont sur le terrain. Nous souhaiterions que le projet social qu’on aura prochainement, nous aide à avoir une fréquence d’une radio locale, pour que nous puissions communiquer avec nos communautés, vulgariser les pratiques, sensibiliser, prévenir des conflits. C’est vraiment un grand besoin de notre communauté.

Déjà, nous avons mis en place un comité de réclamations des fonds FODEL que nous voulons vraiment expérimenter voire accompagner avec les autorités locales et les autorités de tutelle. On va les supporter et les accompagner pour qu’il puisse remplir cette fonction parce que nous ne sommes pas parvenus à le faire à un taux raisonnable avec les banques primaires et les micros finances.

Mamadou Oury Bah et Aliou Diallo

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