La problématique de la compensation, relocalisation et indemnisation des populations impactées par les projets miniers constitue une grande préoccupation en Guinée. Pour comprendre la réalité de ce processus, nous avons rencontré Mamadou Bhoye Barry, président de la coordination des initiatives et actions pour le développement intégré des Bowés, conseiller communal reconduit à la CR de Sangaredi.
Parlez –nous des relations entre communautés et sociétés minières à Sangaredi ?
Ces relations sont mitigés, il y’a des hauts et des bas. Parfois des incompréhensions conduisent à un blocus, et c’est après l’intervention des autorités locales que des solutions sont trouvées. Cela est dû à un manque de communication entre les acteurs, notamment entreprises, état et communautés. Certains lisent des lois sans pouvoir les interpréter. Ils peuvent dire que le code minier a dit tel ou tel, sans savoir la signification. Ils oublient que le code minier actuel n’a pas tous ses textes d’application et ils ne connaissent pas le contenu des conventions qui lient l’Etat et les entreprises. Ça, c’est une sorte d’intoxication. C’est ce qui fait que le contenu local est mal compris dans les communautés riveraines des zones minières. Il y a souvent un problème de leadership et de coordination au niveau des communautés. Quand les entreprises veulent s’adresser à elles, tout le monde veut être devant et responsable. C’est ce qui fait que le niveau de confiance entre elles et les entreprises est souvent bas. Il est très rare de trouver une entreprise qui a 50% de confiance des communautés. Elles considèrent que tous ceux qui viennent chez elles sont là pour soutirer leurs richesses et les laisser les mains vides.
Expliquez-nous le processus de compensation, indemnisation et relocalisation dans votre localité ?
Chaque entreprise a sa manière particulière de faire. Malgré que ces manières se recoupent presque. Que ce soit la CBG, GAC ou Rusal Cobald, elles ont dans leurs départements de relations communautaires une section chargée d’évaluation et de compensation. Et au niveau de l’Etat, il y a le chargé du développement rural qui est le responsable du comité de compensation. C’est celui-là qui assiste les entreprises au nom de l’Etat. Quand on arrive dans une communauté qui doit être impactée, on cherche à rencontrer le responsable, notamment le chef secteur ou le président du district pour l’informer. Ensuite on remonte l’information au niveau de la sous-préfecture et le responsable du développement rural va être saisit par l’entreprise pour venir dénombrer les biens à compenser en présence du propriétaire. C’est 100 pieds (arbres, Ndlr) par hectare, mais la CBG lui est allé au-delà en prenant jusqu’à 400 plants par hectare. On dit au propriétaire ou à son représentant que tu as tel nombre de plants. L’entreprise utilise sa grille de compensation pour déterminer le montant que la personne doit recevoir. L’annonce du montant va être devant les communautés et le propriétaire va signer le papier s’il est d’accord. La difficulté c’est quand le payement retarde. Rusal lui paye par cash devant les autorités communales et un huissier de justice, après le dénombrement et le calcul. Mais la CBG et GAC, ce sont des chèques. Elles prennent des photos de la remise officielle du chèque pour pouvoir clôturer le dossier.
Y a-t-il eu de cas où le propriétaire n’est pas d’accord sur le montant qu’il doit recevoir, comment avez-vous gérer ces cas ?
En 2015, des habitants de Boulléré, un village impacté par la CBG ont refusés, sous prétexte que le montant est petit. L’entreprise a envoyé sa grille de compensation par type de culture au responsable du développement rural qui les a fait comprendre que c’est ce qu’ils doivent recevoir. Après avoir comparé celle-ci à la grille de l’Etat où chaque plant du même âge devait recevoir 5 000 GNF, ils ont compris. Parce qu’il y a des types d’arbres, notamment jeunes de moins d’un an, jeune non productifs, jeunes productifs et production maximale. Et chaque catégorie a un prix spécifique.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce processus ?
Il y a des gens qui viennent planter des arbres, cultiver des champs ou construire des huttes dans des zones déjà décapées par l’entreprise ou dans des zones déjà compensées non décapées. Ce n’est pas pour avoir le fruit de leurs plants, mais s’attendre à une compensation. C’est de la spéculation que font beaucoup de personnes. Et cela arrive souvent quand l’entreprise retarde le dédommagement après dénombrement. Donc faire comprendre à quelqu’un qu’il ne doit pas faire un investissement pérenne dans son jachère qui se trouve dans la concession d’une entreprise est très complexe. Des fois ces communautés ne veulent même pas voir un représentant de l’entreprise, c’est après plusieurs négociations qu’ils vont comprendre.
Quelles sont les leçons apprises, selon vous?
Il faut que chacun respecte les droits de l’autre. Les entreprises ont signés des conventions avec l’Etat et chacun d’entre eux a des obligations vis-à-vis de l’autre. Les communautés doivent savoir que les entreprises jouissent des lois nationales et internationales pour exploiter. Ensuite, les entreprises doivent dialoguer avec les communautés, comme ce qu’a fait la CBG qui a montré aux communautés le processus des plaintes. Ils ont compris désormais que si tu es impacté, il faut te plaindre chez le chef secteur qui doit remonter au district qui à son tour va remonter à la commune. C’est la commune qui va remettre la plainte à la CBG pour enregistrement et examen. Si tu es vraiment impacté, tu seras compensé. Donc, il faut que chacun fasse son devoir et respecte les droits de l’autre. Les entreprises doivent aussi renforcer leurs relations communautaires, mettre tous les moyens nécessaires pour être auprès des communautés. On parle souvent d’impacts sociaux et environnementaux, mais jamais d’impacts sur les entreprises. Et si l’Etat ne se lève pas, les entreprises qui n’ont pas assez de moyens vont fermer.
Des recommandations ?
L’Etat doit harmoniser les grilles de compensation, pour qu’un pied d’anacarde ait le même prix de compensation à Yomou, Siguiri ou Kindia. Il doit réunir les entreprises pour discuter afin de trouver une grille unique de compensation. Certaines entreprises doivent diminuer la lourdeur dans la procédure de compensation. Si un pied d’anacarde est compensé à 170 000, quelqu’un qui n’a qu’un seul plant touché à Wedou Mbour aura du mal à récupérer son argent à partir d’un chèque. Dans la mesure où il n’y a pas de banque dans la localité et son argent pourrait ne pas suffire même son transport pour aller à Sangaredi ou Boké où se trouvent les banques. Elles doivent aussi restaurer, reboiser et recaser les communautés délocalisées par leurs travaux. Les communautés doivent se former et se réunir en association ou groupement pour demander assistance aux entreprises.
Mamadou Oury Bah, envoyée spécial