La Guinée célèbre aujourd’hui soixante années d’indépendance, depuis le fameux « non » du leader indépendantiste Ahmed Sékou Touré au referendum parrainé par le gouvernement du Général De Gaulle sur l’union avec la France. Le secteur de la bauxite a été un pilier de l’économie guinéenne depuis 1958, en commençant par la raffinerie d’alumine de Fria, et jusqu’aujourd’hui, avec une expansion sans précédent des investissements étrangers dans la production et le transport de la bauxite. Le site officiel des contrats miniers du Ministère des Mines et de la Géologie héberge toutes les conventions minières signées par l’Etat guinéen depuis son indépendance, et offre une perspective historique intéressante.
Contrats miniers signés et ratifiés par la République de Guinée hébergés sous www.contratsminiersguinee.org : 1958-2018
Les contrats miniers successifs montrent aussi l’évolution de la politique minière de la Guinée. La convention de la CBG de 1963 crée la première société d’économie mixte, avec une participation de l’Etat de 49% au capital. Cette convention s’est révélée particulièrement robuste et est aujourd’hui toujours en vigueur, moyennant des amendements en 2002 et 2005 pour revoir les limites de la concession. Le même modèle a été appliqué à Fria en 1973, mais avec moins de succès, puisque les mesures prises par l’Etat en faveur de la société en 1995, puis la mise en location gérance et finalement la session à Rusal en 2006 n’ont pas empêché la fermeture de l’usine entre 2012 et 2018. De même la société d’économie mixte Société des Bauxite de Dabola Tougué, signée en 1992 avec la République d’Iran, n’a jamais pu développer de projet minier sur ses 5684 km2 de concession.
Le code minier de 1995 a créé des conditions d’investissement plus avantageuses pour les investisseurs, mais sur les nombreuses conventions signées ou revues entre 1995 et 2011, seuls les projets aurifères de la SAG, la SMD et la SEMAFO sont parvenus au stade de l’exploitation. Les projets de fer de SIMFER, VBG, Bellzone ou de la SMFG, dont les ressources sont pourtant prometteuses, n’ont jamais été mis en production.
De nombreux contrats miniers ont été signés en 2010, ce qui est surprenant si l’on se souvient qu’il s’agissait d’une année de transition politique pour la Guinée. Plusieurs de ces contrats ont été amendés depuis, dans le cadre ou à l’issue du processus officiel de revue des titres et conventions miniersmené de 2012 à 2016 par l’administration guinéenne.
Depuis la mise en vigueur du code minier de 2011, révisé en 2013, les contrats miniers signés confirment l’intérêt des investisseurs étrangers pour la bauxite Guinéenne. AMC, Alufer, CPI, Rusal, la société des mines du Henan et Dynamic Mining ont déjà signé ou amendé des conventions minières, alors que la SMB opère sans convention sous le régime du nouveau code minier, et plusieurs autres investisseurs ont soumis des demandes de titres d’exploitation. La Chine émerge comme un partenaire stratégique de la Guinée dans la filière bauxite-alumine-aluminium. En plus des contrats avec CPI et la société des mines du Henan, la signature récente d’une convention avec Chalco complète les projets miniers prévus pour le remboursement de la première tranche mise à disposition par la Chine dans le cadre de son accord de 20 milliards avec l’Etat guinéen.
La question reste ouverte, en ce 2 octobre 2018, de la transformation de la bauxite en alumine. C’est une ambition claire du gouvernement Guinéendepuis de nombreuses années, et plusieurs conventions minières incluent des engagements à construire une raffinerie d’alumine. A ce jour, la seule raffinerie en opération est celle construite dans le cadre de la convention de 1958, dont la production vient de redémarrer. Pour le 65e anniversaire d’indépendance de la Guinée, en 2023, qui parmi les sociétés China Power Investment, Rusal, SMB, Chalco, GAC et SBG, aura rempli ses engagements à transformer la bauxite guinéenne ?
Thomas Lassourd est économiste senior au sein de NRGI.