Le 11 janvier 2018, la Cour des Comptes de la République de Guinée a publié son premier rapport d’activités couvrant l’année 2016. Ce rapport représente une bonne occasion pour le public de mieux comprendre le mandat et le rôle de cette institution responsable du contrôle des comptes publics, et dont les activités ont démarré à la suite de la nomination de ses membres en janvier et février 2016.
Le rapport d’activité de la Cour inclut la certification des déclarations des recettes minières de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) effectuée sur les exercices 2014 et 2015. Le secteur minier constitue un pilier important de l’économie guinéenne, à l’origine de plus de 98,9% des exportations en 2016 selon la Banque Centrale de la République de Guinée et de 15% des recettes budgétaires selon la Loi de Finances 2018. Il est donc particulièrement important d’en assurer un contrôle rigoureux.
Comme dans de nombreux pays, les rapports ITIE constituent une source unique d’information pour le public en Guinée, en tant qu’outils de comparaison entre les recettes perçues par l’Etat et les paiements effectués par les entreprises. Depuis 2005, douze rapports ont été produits, le plus récent portant sur l’année 2016 ayant été publié le 29 juin 2018. La qualité des données ITIE est indispensable pour garantir celle des débats publics que les rapports ITIE visent à éclairer. Sur ce point, la Norme ITIE 2016soumet les déclarations de paiement et des revenus à « un audit indépendant crédible, conformément aux normes internationales en matière d’audit ». La Cour des Comptes guinéenne a donc fort à faire dans un contexte où les administrations et organismes publics ne sont pas habitués à la pratique de certification indépendante des comptes, mais plutôt à des déclarations attestées par l’Inspecteur Général des Finances qui est sous l’autorité du Ministre de l’Economie et des Finances.
Les perspectives
Pour les exercices 2014 et 2015, le rapport de la Cour a couvert six organismes collecteurs, dont les trois principaux (la Direction Nationale des Impôts, la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique et la Direction Nationale des Douanes), qui représentaient 94% des revenus déclarés par l’Etat en 2015. Pour l’exercice 2016, la Cour a élargi son champ de certification au Bureau National d’Expertise (BNE) et au Fonds d’Investissement Minier (FIM). Le rapport de certification de cet exercice reste à être publié.
Le rapport ITIE 2016 ouvre de nouvelles pistes susceptibles d’intéresser la Cour dans un contexte où la Guinée prépare la mise en application de l’article 130 du Code Minier sur le Fonds du Développement Economique Local (FODEL). Il souligne les difficultés de collecte des données sur les revenus recouvrés par les collectivités territoriales, une augmentation de 248% des revenus perçus en 2016 par les entreprises d’Etat, et l’absence d’états financiers certifiés et de rapports de gestion de l’Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières (ANAIM).
Par ailleurs, le calendrier de la certification représente un enjeu majeur pour la Cour. Selon la loi organique 046 du 18 janvier 2013 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour des Comptes, le délai de la transmission des comptes par les comptables publics est le 30 juin de chaque année. Toutefois, l’élaboration des rapports ITIE ne s’aligne pas toujours sur le calendrier établi par la Cour des Comptes. Amadou Bah, Directeur Exécutif de l’ONG Action Mines-Guinée, suggère un processus de certification accéléré pour les données ITIE : « pour pouvoir traiter plus efficacement les données ITIE, la Cour devra dissocier le processus de certification de leurs séances ordinaires ». Une observation partagée par Mamadou Diaby du Secrétariat Permanent, qui ajoute « nous avons exprimé à la Cour notre souhait d’établir un processus de certification séparé concernant les rapports ITIE ».
Le processus de validation de la Guinée commencera en juillet 2018. Ce sera l’occasion d’évaluer les progrès et acquis de la mise en œuvre de l’ITIE en Guinée. Pour la Cour des Comptes, ce sera plus particulièrement l’occasion de s’inspirer du cas du Bureau d’Auditeur Général de la Zambie, en instituant des dialogues directs avec les parties prenantes afin d’identifier des pratiques et procédures de contrôle que la Cour pourrait développer. Le Sénégal, qui a substantiellement amélioré la fiabilité des données à travers un mémorandum d’entente entre la Cour et l’ITIE-Sénégal, offre également une expérience intéressante. NRGI soutient le processus ITIE en Guinée depuis 2007 et poursuivra cet appui avec ses partenaires autour du rôle de la Cour des Comptes dans le renforcement de la redevabilité dans le secteur minier.
Sun-Min Kim est chargée de programme au bureau NRGI en Guinée.