Monsieur Jean Beavogui, secrétaire général chargé des collectivités décentralisées de Boké donne son point de vue sur les préoccupations de la population de Boké. Dans cet entretien, il fait un état des lieux de la mise en œuvre des points de revendication, la solution pour électrifier la zone, de l’implication des autorités locales dans la promotion de la cohésion et d’éventuelles solutions à ces crises en répétition.
Après les manifestations dans la préfecture de Boké, plusieurs revendications ont été faites par les populations. Où en sommes-nous par rapport à la mise en œuvre de ces points de revendication ?
Jean Beavogui : C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de remous dans la préfecture de Boké, du fait des réclamations de courant, de l’eau et de l’employabilité des jeunes. Après la première manifestation, des dispositions ont été prises avec les départements ministériels concernés avec la création d’un espace de concertation.
Après la deuxième manifestation, nous avons créé une commission de réflexion et de suivi des 36 points de revendication des populations.
On commence déjà à avoir des missions par rapport à la réalisation de la contournante qui doit se faire désormais du côté de Corrérah où il y a des infrastructures à réaliser, notamment des ponts. Une mission de contrôle est actuellement sur le terrain (le 25 novembre 2017) pour avoir une idée sur les propriétés qui seront éventuellement impactées (habitations, des champs et plantations).
Sur l’emploi des jeunes, il y a la mise en place d’une structure chargée du recrutement des travailleurs où les fils de Boké sont membres. Quand les entreprises ont besoins de travailleurs désormais, c’est cette structure qui va faire l’avis de recrutement et réceptionner les dossiers et après test les entreprises vont employer les plus compétents. Des groupes électrogènes ont été envoyés pour la fourniture du courant dans certains endroits comme Boké, Kolaboui et Kamsar.
Pensez-vous que ces groupes peuvent fournir du courant de façon pérenne aux citoyens de Boké?
L’envoi de ces groupes n’est pas la solution de l’électricité à Boké. Trois groupes à Boké, trois à Kolaboui, trois (3) à Kamsar, mais comment faire fonctionner ces groupes à long terme ? La CBG va-t-elle continuer à subventionner du carburant pour ces groupes ? Les communes peuvent-elles prendre en charge ces groupes ? Il y a même eu des gens qui ont installé des panneaux solaires. Mais ça ne peut pas faire du courant. Il faut que l’Etat fournisse des efforts pour réaliser le barrage de Kogon. L’étude de faisabilité est faite, il faut mettre des moyens pour le faire.
Pourquoi selon vous la contournante qui devrait prendre initialement 18 km à l’Est de la ville a été délocalisée à l’Ouest avec une longueur d’environ 40 km?
C’est la même question que nous nous sommes posées, surtout avec les ouvrages de franchissement, notamment les ponts sur le Rio Nunez et les coûts qui y sont liés. Mais on nous a dit que c’est une question de stratégie.
Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que le climat est apaisé à Boké ?
Après la manifestation de Boké, c’est Kamsar puis Kolaboui et Sangaredi ensuite où d’ailleurs des gens ont été arrêtés et conduits à Conakry pour être jugés. Beaucoup d’efforts ont été fourni pour que la stabilité revienne dans la cité. Il y a même des ministres à Boké en ce moment pour demander à la population de Kakandé de construire la paix. Le président de la République a décrété Boké comme zone économique spéciale avec ses avantages sur le plan socioéconomique. Donc, il faut expliquer cela aux citoyens de Boké à travers des campagnes d’information et de sensibilisation. Mais pour être franc, il faut encore beaucoup d’efforts pour aboutir.
Que faites-vous entend qu’autorités locales pour sensibiliser les citoyens sur les réclamations pacifiques ?
La manifestation est un droit, mais il faut savoir le faire. Nous sommes en train de sensibiliser les populations de Boké en leur disant que vous pouvez réclamer vos droits, mais vous ne devez pas casser ou blesser en réclamant vos droits. Nos actes ne doivent pas être à la base de la déchirure du tissu social ou la destruction du peu d’édifices que nous disposons. Nous leur demandons de faire des réclamations pacifiques. Ils commencent à comprendre. La preuve est que des jeunes sont venus à la préfecture récemment avec des pans cartes pour réclamer un droit. Le droit les a été reconnu et nous les avons remerciés pour cet acte citoyen. Au lieu de manifester dans les rues, faites des lettres de revendications, interpeller les autorités pour que la situation se règle dans la paix et le respect de la loi.
C’est à l’Etat de fournir les services sociaux de base à ses citoyens, notamment l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation entre autres. Comment se fait-il que c’est aux entreprises de payer les frais de ce manquement de la part de l’Etat ?
C’est vrai, c’est à l’Etat de fournir le bien-être à ses citoyens, mais malheureusement c’est ce qui n’est pas compris. Les gens pensent que les quatorze (14) sociétés minières qui évoluent à Boké aujourd’hui avec les taxes et redevances qu’elles payent, l’Etat devrait être à mesure de rétrocéder une partie de ces fonds à Boké en les réinvestissant dans les services sociaux de base, comme l’eau, l’électricité, les infrastructures et autres. En revanche, certains pensent que c’est aux sociétés minières de tout faire à la place de l’Etat. C’est une erreur d’appréciation.
D’aucuns estiment que les redevances versées aux autorités de Boké, notamment à la préfecture et les communes pour les communautés sont mal gérées. Qu’en dites-vous ?
Le pays est bien structuré. La décentralisation est de mise en Guinée. Les fonds destinés aux communautés sont directement versées au niveau des communes urbaines et rurales. Le conseil communal se réuni pour orienter la réalisation des infrastructures selon les plans de développement local (PDL) en priorisant les localités impactées par l’exploitation minière. Mais certains citoyens pensent que ces montants leur appartiennent, donc il faut les leur remettre pour usage personnel.
Plusieurs édifices publics ont été vandalisés dans les manifestations. Que faites-vous pour refaire ces infrastructures ?
On peut dire que c’est en bonne voie. Le cas le plus éloquent est le courage des jeunes de Kolaboui qui se sont réunis pour réparer les dégâts causés par la manifestation. La résidence du Sous-préfet, les bâtiments de la gendarmerie et de la police sont rénovés par le comité des jeunes de la localité. Monsieur le préfet n’a pas manqué de dire aux jeunes que c’est l’impôt de leurs parents qui a servi à construire ces édifices, alors ils doivent se mobiliser pour rénover ce qu’ils ont détruit. Au niveau de Boké centre, nous sommes en train de prendre des dispositions pour réparer les bâtiments vandalisés.
Selon vous, qu’est-ce qu’on peut faire pour éviter les crises en répétition dans la région de Boké ?
Nous avons décidé de créer un forum dans lequel nous avons invité tous les fils de Boké pour qu’on se retrouve ensemble afin de conscientiser les populations sur la paix et la cohésion. Parallèlement à ça, l’Etat est en train de chercher des solutions aux problèmes posés.