Interview : «Nous avons la volonté et la compétence de transformer l’ISMG de Boké en une Ecole d’Excellence sous régionale des Mines », dixit le Dr Daouda Kéïta.

Dans un entretien accordé à notre mensuel d’informations générales sur le secteur minier, le Docteur Daouda Kéïta, ingénieur de Mines, directeur général adjoint de l’Institut Supérieur de Géo-Mines de Boké nous parle du niveau d’avancement de la transformation de son Institut en Ecole d’Excellence sous régionale des Mines et de sa perception des manifestations sociales récurrentes dans la préfecture.
Vous êtes dans une dynamique de transformation de l’Institut supérieur de géo-mines de Boké en Ecole d’excellence sous régionale des Mines. Où en sommes-nous ?
Le Dr Daouda Kéïta : C’est un sujet intéressant au niveau national et régional en termes de ressources humaines et en matière d’exploitation des ressources naturelles. C’est une manière de valoriser nos ressources humaines et naturelles pour un développement harmonieux des différents pays en favorisant l’intégration sous régionale.
Nous avons démarré en 2014 et nous sommes actuellement en phase de préfaisabilité. Avec l’accord du gouvernement, la coopération allemande a recruté le cabinet REMS (réseau d’excellence mines et sociétés) pour faire les études afin de proposer une transformation adaptée à nos réalités. La banque mondiale (BM) a été informée de la viabilité du projet dont je suis le porteur principal. Nous avons fait la présentation technique et la BM demande de continuer à peaufiner le projet et nous allons attaquer la deuxième phase. Nous avons la volonté et la compétence de faire cette transformation si on obtient les moyens financiers.
Est-ce que l’Institut dispose des personnes ressources et de contenus pouvant ouvrir l’école d’excellence ?
Il y a une mondialisation de l’enseignement aujourd’hui de par la mobilité des enseignants chercheurs. Le contenu des programmes est le premier élément important, à savoir la cohérence entre ce qu’on enseigne et le besoin du marché. Nombreux de nos enseignants peuvent donner des cours, il suffit juste de leur faire une remise à niveau en le faisant changer de milieu, de langage, de laboratoire et d’outils de communication. Plusieurs sortants de l’institut travaillent aujourd’hui dans les instances de prise de décision des entreprises extractives à travers le monde. Près de 80% des cadres qui font marcher les entreprises minières et compagnies de recherches sont passés par là. Avec notre expérience dans la science de la terre, il suffit de mettre des moyens à notre disposition pour nous ouvrir au monde. Il suffit de faire un stage de 3 mois dans une école de référence ou dans une compagnie de renommée pour que l’enseignant puisse faire une immersion afin de revenir avec un niveau actuel. Parce qu’il faut actualiser les informations scientifiques. On a toutes les possibilités de démarrer l’excellence s’il y a le financement. Nous avons de l’espoir pour couvrir les besoins.
Nous avons appris qu’il y a aussi un projet d’études de master et de doctorat ici, les deux projets sont-ils liés ?
Ils sont liés. Nous avons un corps enseignant très vieillissant dont les connaissances sont en dépassement. Donc les enseignements doivent être de plus en plus pragmatiques. Et pour ce faire, il faut introduire des jeunes dans l’enseignement en ayant une source de formation sous nos mains qui ne dépendra pas d’un autre. Au lieu d’importer quelqu’un dont on ne maitrise pas le curricula, nous allons former les gens que nous-mêmes connaissons afin qu’ils soient apte à enseigner sous notre demande. Ce programme de master nous permettra d’avoir un creuset de ressources humaines sur lesquelles on va investir pour répondre à notre demande. C’est ce qui va nous éviter d’importer quelqu’un qui n’aime pas vivre chez nous où qu’on n’a pas les moyens de payer à long terme.
Quelle est la capacité d’accueil de votre institution?
On a déjà pris l’allure de la transformation. Nous avons 4 départements, notamment la géologie pour les recherches, les mines pour exécuter les recherches faites, l’industrie pour traiter ce qui est exploité et l’environnement minier et la sécurité industrielle qui sont transversaux. On devrait normalement avoir 50 étudiants par département, parce qu’il y a des questions de logistique et de communication pour former un ingénieur. Plus le nombre d’étudiants est élevé, moins l’enseignant maitrise ses éléments. Nous n’avons reçu que 60 étudiants pour deux départements et les deux autres n’ont rien reçu cette année. Mais on va suivre cette génération pour prendre la base de l’excellence.
Enfin quelle est votre perception des manifestations en répétition dans la région de Boké où l’exploitation minière bat son plein?
C’est vraiment regrettable. Le gouvernement et les sociétés extractives devraient chacun en ce qui le concerne communiquer pour clarifier les choses afin que chacun puisse comprendre son rôle et ses limites. Cela pourrait éviter les conflits de compétence. La mauvaise communication créé la désinformation. La violence des populations est le résultat d’une accumulation de frustrations. Quand on trouve le contraire de ce qu’on attend d’une personne, on est surpris et quand on est surpris c’est la violence qui s’installe. L’Etat devrait prendre le devant pour dire la façon dont les choses doivent se passer. Etant mal informée, la population ne peut pas comprendre qui doit faire quoi. Il faut les informer de leurs droits et les garantir ces droits-là. C’est-à-dire expliquer clairement le contenu des dispositions légales en matière d’exploitation minière, mais aussi faire appliquer cette loi. La population a besoin d’informations et d’encadrement, parce que plus on s’éloigne d’elle, plus on perd le contrôle sur elle. Nous devons tous avoir cette responsabilité.